Les Halles changent d'ère
Les quatre projets sélectionnés, deux français
et deux néerlandais, pour
réinventer l'ancien ventre de Paris ont été dévoilés
hier. Le choix
s'effectuera en juin, après consultation des habitants et des usagers.
Par Tonino SERAFINI
jeudi 08 avril 2004
C'est le dossier sur lequel le maire de Paris n'aura pas droit à l'erreur.
Après le lamentable aménagement du quartier des Halles, bien
nommé «trou des
Halles», légué par Jacques Chirac, on n'ose pas imaginer
que l'opération
d'urbanisme engagée se solde encore par un échec. «Je
n'ai pas l'intention
d'imposer un nouveau traumatisme à ce quartier. [...] J'ai bien conscience
que nous engageons un débat difficile», a commenté hier
Bertrand Delanoë, en
présentant les quatre projets de réaménagement du quartier,
imaginés par
quatre équipes d'architectes et paysagistes, deux françaises
et deux
néerlandaises.
Les maquettes et les visuels de leurs travaux sont exposés à partir
d'aujourd'hui au Forum des Halles, dans les locaux de l'ancienne maison des
associations. Pour que les habitants du quartier et les voyageurs qui y
transitent puissent consigner leurs appréciations dans un registre.
Des
réunions sont également prévues. Tout ça pour éclairer
la commission d'appel
d'offres de la Ville de Paris, qui choisira l'équipe lauréate
en juin.
Une porte d'entrée
De la concertation, donc. «C'est trop symbolique du coeur de Paris
pour
qu'on se plante», a lâché l'édile socialiste. L'enjeu
: remodeler
l'hyper-centre de Paris ville mondiale. La station Châtelet-Les Halles
est
une porte d'entrée dans la capitale pour nombre d'étrangers
qui arrivent,
par le RER, des aéroports de Roissy, d'Orly ou des gares du Nord et
de Lyon.
Lorsqu'ils sortent de terre, leur premier contact avec la France est ce
quartier d'une quinzaine d'hectares délimité par les rues de
Rivoli,
Etienne-Marcel, du Louvre et par le boulevard Sébastopol. L'équipe
municipale rêve donc d'un geste fort. Et d'avoir là un site
que demain, les
touristes visiteront à égalité avec Beaubourg, la pyramide
du Louvre ou la
tour Eiffel.
Tout couvrir ou laisser encore entrevoir ? Les Halles ont été la
plus grosse
opération souterraine jamais entreprise en France (avec ses quatre
niveaux
en sous-sol, un centre commercial de 65 000 m2 qui totalise 41 millions de
clients par an, des équipements publics - piscine, gymnase, médiathèque,
conservatoire, Forum des images...). Et un poussif jardin de quatre hectares
en surface.
Les quatre projets font table rase des «arches» et «parapluies» de
Jean
Willerval, construits au début des années 1980. Tout ce qui
est actuellement
visible en surface disparaît. David Mangin, de l'atelier français
Seura,
veut «élargir le centre de Paris» avec une vaste promenade «comme
les
Ramblas» qui participent à la notoriété de Barcelone.
Il a donc imaginé un
immense jardin qui va de la Bourse de commerce à l'actuel Forum, avec
un
cours large de 22 mètres qui aboutit sous un toit. Un carré de
145 mètres,
fixé à 9 mètres de hauteur dont il dit déjà qu'«il
filtre la lumière du jour
et scintille la nuit». C'est sous cette structure qu'est réorganisé
spacieusement l'accès aux transports et au centre commercial.
L'architecte français Jean Nouvel propose, lui, un aménagement
structuré par
trois jardins. Un «au niveau du sol urbain», un deuxième,
suspendu à
mi-hauteur, qui se veut un balcon sur l'église de Saint-Eustache.
Le
troisième serait perché sur un bâtiment qui surplombe
les toits de Paris.
Une succession de halles borderait les jardins. Le conservatoire de musique
trouverait une place nouvelle dans une tour en bois.
Face flamboyante
Moins classique, le projet MVRDV de Winy Maas a choisi de ne pas tout
couvrir. Il veut «ouvrir le site», «créer des fenêtres» pour
que la lumière
etla ville pénètrent jusque dans le sous-sol. En surface, un
aménagement
fait de verre et de végétation ressemble à une proposition
de vitrail.
Partisan lui aussi de ne pas voiler les activités souterraines, Rem
Koolhaas
dessine de «nouvelles Halles», en verre et en couleurs - renfermant
tantôt
un arbre, tantôt un belvédère - et des espaces verts
fragmentés pour mettre
en relation le dehors et le dedans. Avec des matériaux, des couleurs,
des
jardins qui semblent annoncer une sorte d'émerveillement au quotidien.
Ces «ébauches», selon le terme du maire de Paris, sont
maintenant entre les
mains des Parisiens. C'est la face flamboyante d'un projet qui doit aussi
réviser l'accessibilité des transports en commun (un trafic
actuellement de
800 000 voyageurs par jour), dénouer le noeud de circulation automobile
et
faciliter les flux piétonniers du grand centre commercial. Derrière
ce
nouveau visage des Halles, une opération urbaine d'envergure que l'on
découvrira au plus tôt dans dix ans.