Libération (20/12/04)
Courrier des lecteurs
Le débat sur la rénovation des Halles
Radical, Mangin ose le pari de la modestie
Je n'habite pas les Halles, j'ai même quitté Paris pour me réfugier
dans une
banlieue moins avide de loyers délirants. Pour autant, je connais
bien ce
«ventre-coeur» de Paris. Parmi les quatre projets en lice pour cette
opération d'urbanisme, vous avez visiblement pris parti contre deux
projets.
L'un n'a pas été retenu en raison, dites-vous, de son infaisabilité
technique. L'autre, piloté par David Mangin, a reçu les faveurs
de la
mairie.
Qu'a-t-il donc de si mauvais ce projet, pour que vous le démolissiez
en
pages Evénement de votre édition du 16 janvier ? Vous semblez
regretter que
Nouvel et Koolhaas aient été recalés. Pour ma part,
ces deux projets étaient
les moins intéressants car les moins novateurs. Faire des «coups»
architecturaux, Paris a bien connu. Certains avec succès (Beaubourg),
d'autres plus discutables. En tout cas, la capitale est régulièrement
ponctuée de «bâtiments-totems» qui confortent autant
un certain modernisme
que les egos des commanditaires et/ou des créateurs.
Dans le registre du «coup», ma préférence allait
au projet de Winy Maas qui
avait le mérite de tenter la logique complète de la ville souterraine.
Qui
plus est, son vitrail de couverture aurait ponctué un espace non plus
vide
mais «en creux».
Revenons-en au projet Mangin. Classique ? Daté ? Frileux ? Prudent
?
J'oserais dire radical. Radical parce qu'il ose le pari de la modestie. De
la transparence. De l'intelligence face aux monstres nouvelien et
koolhaasiste. Radical parce qu'il part du principe que le Forum est un
espace de vie avant d'être un espace de mise en scène comme
peut l'être le
Louvre. Radical parce qu'il ose reprendre des archétypes parisiens
et les
inscrire dans une nouvelle modernité. Radical parce que moderne sans
avoir
peur de ses racines.
Certes, le projet Mangin doit être travaillé pour définir
exactement chacune
de ses parties. Mais il reste le meilleur projet que j'ai vu pour faire
évoluer le quartier.
J'avoue un penchant prononcé pour l'évolution. Le changement
au fil de
l'eau. L'intelligence modeste mais déterminée. Sans rancune
quand même,
l'art contestataire et briseur de tabous a encore de beaux jours devant lui.
Souffrez qu'il n'ait pas eu gain de cause cette fois-ci, laissant la place à
un petit frère moins tapageur mais sans doute aussi prometteur !
Manuel Atréides
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Le débat sur la rénovation des Halles
Un nouveau trou noir
Habitant des Halles, électeur de Delanoë et des Verts, je suis
extrêmement
déçu par la décision du maire de Paris.
Il nous convoque les grands noms de l'architecture moderne, nous expose de
belles maquettes colorées (sauf une...) pendant quatre mois, nous
demande
notre avis... Et finalement, réduit à peau de chagrin le projet
le plus
terne, d'un architecte inconnu, un projet déjà vieux avant
même d'être
construit... C'est une occasion manquée de crier haut et fort au monde
que
Paris fera aussi partie du XXIe siècle ! On nous promettait une nouvelle
tour Eiffel au coeur de Paris, (Koolhaas), ce sera un nouveau trou noir...
Le pire, c'est que la mairie a semblé céder aux viles pressions
d'associations de commerçants ou plutôt de gros distributeurs
(Fnac, etc.)
Je suis déçu aussi par les Verts qui se sont comportés
en ayatollahs de
l'espace vert, en mesurant l'intérêt d'un projet au nombre d'arbres
sur les
maquettes ! Cela montre que la concertation, ou plutôt la peur de toute
polémique, a abouti à un consensus mou. Pompidou et Mitterrand
auraient
évidement choisi Koolhaas !
Patrice Soullier
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Le débat sur la rénovation des Halles
Non au petit jardin
Les Halles seraient le site parisien le plus accessible depuis les banlieues
pour plus d'un million de personnes. A qui l'on veut offrir, outre le centre
commercial existant, un jardin. Qu'ils ont chez eux. Alors pourquoi ne pas
développer ce site en lieu de travail ? D'autant que le jardin imaginé ne
sera au fond qu'un grand square par rapport à ceux existants (Louvre,
Invalides...). Et qu'un centre de ville ne devrait être en aucun cas,
en
Europe comme ailleurs, un espace vert. Paris, pour des raisons historiques,
ne peut lutter sur ces thèmes «verts» avec Londres par
exemple. Et si Paris
possède dans son patrimoine de larges espaces libres, c'est qu'ils
sont
entourés par des constructions ordonnées (place des Vosges,
place Vendôme,
Palais-Royal, Louvre...). Alors, comment ne pas s'interroger sur le choix
de
ce concours, où sous prétexte d'être Vert, on crée
au centre de Paris un
petit jardin, alors que les Halles, de par leurs connexions privilégiées,
pourraient être le site royal pour une cité internationale consacrée
au
rayonnement culturel et financier de la France ? Avec un jardin bien sûr.
Mais un véritable jardin urbain. Bordé et structuré par
des constructions
qui ont tout lieu d'être au centre de Paris, ce d'ailleurs sans être
côtoyées par un «toit» hasardeux dont nul ne connaît
les problèmes
d'entretien à long terme. Sauf à retrouver là demain
le lamentable état des
«passages» parisiens auxquels il est fait curieusement état
en se trompant
d'échelle urbaine. Alors, on recommence à réfléchir
sur la programmation des
Halles ?
Gaetan Motte