|
n aura bien du mal à regretter
les Halles : le sol y est acrobatique, le jardin en piteux état.
Le problème est qu'elles marchent et qu'elles forment
au coeur de Paris l'un des rares pôles d'échanges
greffé sur une réussite commerciale. On en vient
alors au débat de ces deux derniers mois. Celui d'un maire
sans doute un peu pensif (mettez-vous à sa place) et à qui
l'on prétend interdire de mieux comprendre ce qu'il voit...
On
veut bien écouter les grincheux. Mais, sauf à tout
recommencer, il nous semble au contraire qu'il ne fait là que
son devoir : obligé de biaiser avec des procédures
bancales, d'en demander un peu sans en demander trop (c'est
la règle de ces études : il faudrait continuer,
on n'en a pas le droit). Si bien qu'on en est aujourd'hui
en deçà du point de départ : dans un
brouillard où l'on a cru comprendre qu'il n'y aurait
plus de piscine (dans le projet Nouvel), quelques tours trois
ou quatre, si possible moins affriolantes dans celui
de Koolhaas et dans le parti de Mangin le même long
toit horizontal, mais troué, évidé :
archipels d'occasion insérés dans un écran
plat.
Encore
un ou deux mois, et l'on en viendrait vite à la reconstruction
des anciens pavillons de Baltard. A moins de rester calme,
de s'en tenir à ce qu'avait montré l'exposition
et à des pistes évidemment menteuses (pas une, à l'exception
de MVRVD, pour nous dire qu'un jardin, à cet endroit-là,
est très difficilement tenable, qu'avec un million
de personnes, la mousse et les fougères sont un véritable
bobard). Accrocheuses, c'est la règle du genre (les
immeubles seront «transparents», les toitures
des zéphyrs, les tours autant de villes célestes égarées
devant Saint-Eustache). Divagations d'artistes, mais plutôt
claires en fin de compte, excitantes même, si l'on
veut bien laisser le futur lauréat élaborer
une proposition qu'il faut prendre à la lettre. Laisser
mûrir sans trop de reculades (c'est ce qu'ont fait
Beaubourg et la Grande Arche). Et dont on peut simplement
affirmer, dans le cas de Jean Nouvel, qu'elle est un long
survol un mystère, à trente mètres
du sol au-dessus d'un jardin aussi utopique que les autres
mais visiblement agréable. Qu'elle joue, chez Rem
Koolhaas, d'un fantastique urbain dont on redemanderait pourvu
que ses tours restent en place Giotto en plein Paris,
Ucello au carreau des Halles. Et qu'elle prend, chez David
Mangin, l'allure abstraite et sidérale d'un morceau
de Guerre des étoiles : tissu de science-fiction (pas
si loin que cela des anciens parapluies de Baltard), servant
de parvis à Beaubourg et d'entrée à la
capitale.
On pourrait
refaire un concours. Mais on a là, me semble-t-il,
l'occasion d'arrêter un vrai choix. Celui d'arriver
dans Paris (par un grand portique chez Nouvel et chez Mangin
sous un long dais horizontal). C'est dire qu'on peut aller
au Louvre, s'échapper vers la République, que
la ville est à tous, plus nettement qu'avec Paris-plage...
Ou celui d'ajouter à la bibliothèque qu'elle
forme un nouvel incunable : tentation narcissique, suspendue cela
va de soi à la beauté du résultat.
Bruno Fortier architecte. |
|
|