Libération (07/12/04)
Semaine de réflexion finale pour les Halles
Bertrand Delanoë a encore quelques jours pour trancher. Le projet de
David
Mangin semble tenir la corde.
Par Sibylle VINCENDON
mardi 07 décembre 2004
David Mangin deviendra-t-il l'architecte en chef des Halles ? Un certain
nombre d'indices semblent aller dans ce sens alors que démarre la
semaine où
Bertrand Delanoë, maire de Paris, va achever ses réflexions.
Le 15 décembre,
la Commission d'appel d'offres doit en effet officiellement choisir un
lauréat parmi les quatre en présence pour le réaménagement
de ce quartier
central (David Mangin, Rem Koolhaas, Jean Nouvel et Winy Maas). Elle ne le
fera qu'en sachant ce que le maire veut. Ce qui sera sans doute exprimé très
directement par le maire lui-même à la présidente de
la commission, la
socialiste Mireille Flam.
Mais les travaux de la commission seront éclairés par un rapport
final. Et,
premier indice, ce rapport n'est pas rédigé par la SEM Paris
centre,
organisatrice de la compétition, qui a publiquement affirmé les
qualités du
projet Koolhaas. Le rapport sera écrit par la Direction de l'urbanisme,
qui
a tout aussi publiquement revendiqué le choix de Mangin. Sa directrice,
Catherine Barbé, a en effet défendu, lors du dernier comité de
pilotage de
l'opération, la solution qu'elle préfère : choisir Mangin
et organiser
ensuite une série de concours d'architecture pour attribuer chaque
morceau.
A première vue, les choses ont l'air clair : les tenants de l'option
Mangin
ont repris la main.
Marge de liberté. Il y a cependant un sérieux bémol.
Si le rapport a été
confié à la Direction de l'urbanisme, c'est par souci de confidentialité,
procédure oblige, dit-on dans l'entourage du maire. Le «rapatriement» du
dossier dans un service de la mairie, au chaud à la maison, garantirait
donc
une meilleure confidentialité. En outre, le rapport de la Direction
de
l'urbanisme sera «non conclusif», contrairement à ce qui
se fait d'habitude.
Bertrand Delanoë qui a toujours répété qu'il se
garderait jusqu'à la
dernière minute pour décider, se réserve ainsi une marge
de liberté.
L'hypothèse Mangin est confortée par un contexte de fortes
pressions en sa
faveur. D'abord, celles de certains Verts, dont Yves Contassot, adjoint à
l'environnement, un de ceux qui, parmi les Verts, menacent régulièrement
de
s'affronter aux socialistes au sein du Conseil de Paris. Serait-ce possible
sur les Halles ? Contassot a dit qu'il voulait voir Mangin retenu, ce projet
étant pour lui «le moins mauvais». Mais tous les Verts ne
le suivent pas.
Denis Baupin, adjoint aux Transports, estime que, sur le plan des
déplacements, la solution Koolhaas est «la plus intéressante».
Le promoteur immobilier Unibail, propriétaire du centre commercial
du Forum
des Halles, fait aussi sentir son influence. Alors que Rem Koolhaas et David
Mangin semblent les plus sérieusement en lice, Unibail est révulsé par
la
solution Koolhaas qui détourne une partie des voyageurs du métro
et du RER
des vitrines de ses boutiques. L'architecte permet en effet aux gens de
quitter la salle d'échange du RER directement en plein air, dans un
vaste
«canyon». Ce parti, optimal en termes de sécurité,
avait fait prendre une
longueur d'avance au Néerlandais. Pour le contrer, Unibail a donc
permis que
les concurrents «percent» chez lui, le toit de la salle d'échange
pour
améliorer les évacuations, mais toujours vers les magasins.
Ce que Mangin a
fait, comme Jean Nouvel d'ailleurs. Or, parmi les adjoints PS qui ont envoyé
des notes au maire ces derniers jours, seule Lyne Cohen-Solal, adjointe au
commerce, aurait conseillé à Delanoë de ne pas suivre
les desiderata
d'Unibail et d'agir, selon les termes d'un proche du dossier, «en maire
de
Paris et non pas en prévôt des marchands».
Dossier des JO. D'autres ont temporisé. Hier, alors que se tenait
une
réunion du groupe PS à l'hôtel de ville, l'adjoint à l'urbanisme
Jean-Pierre
Caffet aurait insisté sur le fait que les Halles n'étaient
qu'un dossier
parmi d'autres, les JO étant par exemple bien plus importants. Tandis
qu'il
avait à peine caché une position plus koolhaasienne, il semblerait
que
l'adjoint à l'urbanisme ait un peu changé son fusil d'épaule.
Ses propos
d'hier ont été interprétés par certains membres
de l'assistance comme une
solution d'attente : prenons Mangin dont le parti se revendique comme
modeste, et on verra la suite, après la décision des JO en
juillet, avec des
concours ultérieurs.
Si elle était retenue, la méthode risque de s'avérer
casse-gueule. Elle
ouvrirait un boulevard de contestations À chaque nouveau concours,
ce que la
procédure actuelle évitait. Seule opération urbaine
dont on parle, le
dossier des Halles a prouvé qu'il était hautement polémique.
(Lire aussi Rebonds, page 36)