Rénovation des Halles : les riverains s'en mêlent
L'événement
LE VIDE-GRENIERS d'Accomplir, importante association de quartier des Halles, s'est transformé, samedi, en rendez-vous revendicatif. Le soleil aidant, le succès était certes assuré. Mais l'événement a pris une ampleur nouvelle, parce qu'un véritable coup de chaud s'est emparé depuis quelques jours des associations, conseils de quartier, riverains et commerçants.
Avec un objectif commun à tous : se faire entendre dans le débat de la concertation lancé le 7 avril dernier par Bertrand Delanoë, maire de Paris, lorsqu'il a présenté les quatre projets d'architectes sélectionnés pour la rénovation des Halles. Et depuis, tout le monde veut peser dans les débats avant le 24 juin, date du choix final du maire et de la commission d'appel
d'offres constituée d'élus.
Les travaux pour les jardins suspendus de Jean Nouvel dureraient douze ans « Nous connaissons bien ce quartier, nous l'observons depuis longtemps, nous y vivons tout le temps. Notre avis est donc important », souligne Elisabeth, une militante engagée de l'association Accomplir. Pour bien faire comprendre aux promeneurs les enjeux, l'association avait prévu de matérialiser dans les airs, grâce à des ballons, la hauteur des constructions prévues par les différents architectes : 5 m pour le vitrail planté de Winy Maas, 9 m pour le toit transparent de David Mangin, 30 m pour la tour du conservatoire de Jean Nouvel (27 m pour les jardins suspendus), 37 m pour les pyramides colorées de Rem Koolhaas. Avec le vent, les ballons n'ont pas résisté. Mais l'idée y était. François Weil, le président d'Accomplir, urbaniste de profession, vend des cakes et s'explique. « Après étude des dossiers, seul le projet Mangin semble correspondre à nos attentes même si des
modifications sont à prévoir », dit-il. En tête des revendications : conserver la superficie actuelle du jardin et pas de haute construction pour préserver les commerces. Autre souci : la durée des travaux. Là, pas de ballon, mais des arguments : « Le projet de Nouvel demanderait douze ans de travaux ! Celui de Mangin cinq », ajoute François Weil. Derrière lui, il a
rassemblé quatorze autres associations : des riverains, des commerçants et des collectifs d'immeubles. Leur pétition commune a recueilli, en une journée, près de 300 signatures. A quelques mètres de là, une autre association, Paris des Halles, fait connaître une voix dissonante. Eux prônent les projets des architectes hollandais Winy Mass et Rem Koolhaas car
« ils sont tournés vers les habitants mais aussi vers les voyageurs qui arrivent ici dans le coeur de Paris », commente Catherine Dalbanie. Avis contradictoires, dans la semaine, un groupe du travail du conseil de quartier a fait connaître une autre position : « Le projet Nouvel a été rejeté à l'unanimité, dix membres sont favorables au projet Mangin, deux se sont prononcés en faveur des équipes hollandaises et quatre membres rejettent l'ensemble des projets en raison de leur ampleur », explique
Patrice Lejeune, un des membres du bureau. « Nous avons voulu cette large concertation. Il faut que les gens donnent leur avis. Le projet n'est pas ficelé et Bertrand Delanoë n'a pas fait son choix », assure Alain Le Garrec, président de la Semcentre, qui organise ce vaste chantier d'idées.
Aujourd'hui, le maire de Paris reçoit dans son bureau David Mangin et Jean Nouvel.
Marie Ottavi et Eric Le Mitouard
Le Parisien , lundi 17 mai 2004
Et pourquoi pas un référendum ?
«UN RÉFÉRENDUM a bien été organisé pour décider du projet de réaménagement du Carreau du Temple (III e ). L'idée me semble donc tout a fait adaptée pour le projet des Halles », indique Jean-François Legaret, maire UMP du 1er. Un texte de délibération en ce sens a été présenté par son groupe au dernier Conseil de Paris. Faute de place à l'ordre du jour, son examen a finalement été repoussé au 7 juin. « Un vote de tous les Parisiens est la seule manière inattaquable de trancher le débat. Leur choix ne doit pas être escamoté », indique le maire du I e r . Les habitants des vingt arrondissements pourraient, selon lui, être conviés à donner leur avis. « C'est une proposition démagogique », répondent déjà les élus PS.
Le projet de toit transparent gagne du terrain
SUR LE SITE du « Parisien » , le vote des internautes concernant les quatre projets de réaménagement des Halles a beaucoup évolué. En un mois, c'est le projet de David Mangin qui progresse le plus . Respectant au mieux le site
actuel , il séduit les Parisiens par son immense toit ouvert, constitué de plaques de verre et de cuivre.
Les jardins suspendus, conçus par Jean Nouvel, avaient pourtant, dès le 17 avril, attiré le choix des Parisiens. Plus de la moitié des votants se sont portés sur ces esquisses au premier bilan paru dans nos pages. Le 26 avril, sur 676 participants, les dessins de promenades dans la verdure à 27 mètres au-dessus du sol attiraient encore 353 internautes. Le 8 mai, sur un total
de 1 478 participants, ils étaient 628. Mais depuis une semaine, la mobilisation des riverains et des habitants du quartier a sans doute fait évoluer les choses. Sur 2 382 votants recensés, les écarts se sont nettement resserrés : Jean Nouvel est certes toujours en tête. Mais le projet de David Mangin progresse à grands pas. Quarante voix le séparent du projet qui a
tenu la vedette des suffrages jusqu'à maintenant. Sur la durée, les arguments des internautes sont cependant toujours les mêmes. « Des quatre projets présentés, c'est incontestablement celui de Jean Nouvel qui emporte mon choix. Il fait la plus grande place à la verdure, au jardin, à la détente. Faut-il rappeler que Paris est la grande capitale occidentale qui a le moins d'espaces verts intra muros ? » souligne Alain Izzet, reprenant le souci d'un grand nombre de Parisiens. « Bertrand Delanoë avait annoncé un réaménagement du quartier basé sur la concertation, pourquoi se retrouve-t-on avec trois projets qui sont complètement surdimensionnés par rapport au cahier des charges établis avec les riverains ? Pourquoi les 60 000 m 2 de surfaces commerciales de Nouvel ? Qui va profiter des jardins en terrasse au 10 e étage ? Pourquoi les 21 tours de Koolhaas s'élèvent-elles, pour certaines, à 37 mètres de haut ? Pourquoi l'utopie de Maas qui veut créer un jardin sur un vitrail... Tout cela est-il compatible avec le quartier ? » se demande Nathalie Locoste, habitante de la rue Pierre-Lescot (I e r ). « Les riverains peuvent uniquement se prononcer pour Mangin, c'est le seul qui a étudié le problème et qui a essayé de le résoudre ! » ajoute un autre, reprenant l'avis du collectif des habitants et commerçants du I e r arrondissement.
* www.leparisien.com où vous pouvez consulter les projets et donner votre avis.
E.L.M.