Rénovation des Halles  : M.  Delanoë devrait opter pour une solution "réaliste et durable"
LE MONDE | 14.12.04 | 14h40


La raison ou l'audace ? La recherche du consensus ou le pari, risqué, d'une aventure urbaine susceptible de réveiller le traumatisme infligé aux Parisiens qui, à l'été 1971, virent un trou immense et durable remplacé l'ancien quartier des Halles ?

C'est mercredi 15 décembre, en fin de matinée, que le maire de Paris, Bertrand Delanoë, rendra public le nom de l'équipe d'urbanistes à qui sera confiée la rénovation du quartier.

Auparavant, le matin même, les six élus (trois socialistes, un Vert, deux UMP) siégeant dans la commission d'appel d'offres (CAO) de la Ville se seront réunis pour un ultime examen des quatre projets en lice.

Officiellement, c'est la CAO qui, souverainement, choisit. En réalité, c'est le maire qui tranche et propose un avis à cette instance où les socialistes disposent en réalité de quatre voix (sur sept), Mireille Flam, adjointe au maire, jouissant, en tant que présidente de la CAO, d'une voix prépondérante.

Des quatre équipes sélectionnées en juin 2003, deux seulement, celle du Néerlandais Rem Koolhaas et celle du Français David Mangin, semblent encore dans la course. Mais c'est sans doute ce dernier qui sera désigné, même si M. Delanoë assurait encore lundi, en marge du Conseil de Paris, que sa décision "n'était pas prise".

Ses services, en tout cas, ont voté Mangin. Conformément à l'usage, la direction de l'urbanisme a adressé, au cours du week-end, aux membres de la CAO un rapport de 48 pages analysant les points forts et les points faibles des quatre propositions. Ordinairement, ce type de rapport comporte une recommandation en forme de synthèse. Celui-ci, formellement, échappe à la règle. Mais il ne se prive pas de suggérer sa préférence.

PAS DE SECOND TRAUMATISME

On sait, depuis plusieurs mois, que Winy Maas, avec son immense "vitrail" couvrant les entrailles du Forum jusqu'aux quais du RER, n'est plus dans la course. Ce projet entraînerait la fermeture de l'ensemble du complexe souterrain, y compris la gare, pendant la durée des travaux, pointe sèchement la direction de l'urbanisme.

Jean Nouvel, avec son "carreau" recouvert d'une prairie à 27 mètres de haut, paraît, lui aussi, écarté. Son projet, qui a fait l'unanimité contre lui chez les Verts et au sein des associations de riverains et de commerçants, était jugé trop dense.

Les ajustements effectués en septembre - la suppression de 20 000 mètres carrés de commerces et de bureaux - en font maintenant un projet trop cher.

Restent Koolhaas et Mangin. Le premier avait, au début, la préférence de Jean-Pierre Caffet, adjoint au maire chargé de l'urbanisme, et M. Delanoë lui-même ne semblait pas insensible aux charmes des "émergences colorées" proposées par le Néerlandais.

Le Vert Denis Baupin, adjoint aux transports, avait fait valoir l'intérêt de la solution du "canyon" proposée pour résoudre les relations entre la surface et le sous-sol. Mais les Verts, majoritairement, sont contre, comme le gestionnaire du forum, Unibail. M. Delanoë a souvent répété qu'il ne voulait pas d'"un second traumatisme" au sujet des Halles.

Or la direction de l'urbanisme, dans son rapport, estime que le projet "moderne et ludique" de Rem Koolhaas pourrait prendre "dix à douze ans" et impliquer "une fermeture, par phases très coûteuses, de la plus grande partie du centre commercial".

Le projet de David Mangin, avec son jardin de surface d'un seul tenant (4 hectares), plébiscité par les Verts, et son toit de 145 mètres de côté, haut de 9 mètres, devrait donc sortir du lot, un peu par défaut.

"Classique et mesuré", selon le rapport à la CAO, il a l'immense avantage de n'avoir pas d'opposants farouches. C'est un projet "non traumatisant", "peu perturbant",estime la direction de l'urbanisme, et c'est la proposition "la moins onéreuse du point de vue des coûts de construction et des niveaux des indemnités d'évictions commerciales".

M. Delanoë devrait opter pour cette solution "réaliste et durable". Choisir la sécurité, politique et financière, pour la reconstruction du cœur de Paris, dont il avait sans doute sous-évalué les risques.

Christine Garin
 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15.12.04