Ier ARR. Ils dénoncent la «politique mercantile» du musée
Marie-Douce Albert [11 mars 2003]
La réception s'annonçait monumentale. Le groupe Carrefour, en
effet, a invité hier soir tout ce qu'il compte de directeurs à
travers le monde au coeur du vieux Louvre. Dans le décor superbe, tout
en frontons et figures allégoriques, de la cour Carrée, une tente
transparente avait été montée pour accueillir les quelque
2 200 convives de cette convention. «Quand vous êtes une grande
entreprise française et que vous accueillez des étrangers en France,
vous cherchez des endroits emblématiques», expliquait-on chez Carrefour.
Et dans sa quête d'un symbole, le groupe de magasins pouvait-il trouver
un site plus évocateur que le célèbre musée ?
Toutefois, ce dîner a eu le don d'irriter des Parisiens et, notamment,
certains de leurs élus qui ont vivement critiqué cet usage privé
d'espaces d'un grand établissement public. Les socialistes du Ier arrondissement
ont fustigé ainsi dans un communiqué «les dérives
mercantiles du Louvre».
Le Louvre s'en défend et a répondu à ces critiques par l'argument du mécénat. Carrefour, qui soutient plusieurs opérations culturelles, dont les Journées du patrimoine, a en effet un accord de partenariat avec le musée. «Le groupe participe à certaines de nos actions, dont les éditions pédagogiques», explique Aline Sylla, administratrice générale adjointe du musée. Alors, cette occupation momentanée de la cour Carrée était «une des contreparties», ajoute la responsable du Louvre.
Carrefour, en pouvant recevoir là ses directeurs, s'est vu en quelque sorte remerciée de sa générosité. Mais s'il ne s'agit pas d'une location, l'échange n'était toutefois pas totalement gratuit. Un porte-parole de l'enseigne, sans vouloir en préciser le montant, précisait que la somme était faible et n'avait en tout cas rien à voir avec les trois ou quatre millions de francs (entre 457 000 et 610 000 euros) que Vivendi Universal avait, dit-on, déboursé en décembre 2000 pour accueillir ses actionnaires dans ces mêmes lieux. «Que Carrefour paye un peu est logique car une telle opération mobilise des moyens en interne», précise Aline Sylla.
Cette conception du mécénat n'a néanmoins pas eu l'heur de plaire à Jean-François Legaret, le maire (UMP) de l'arrondissement. Pour l'élu, «le mécénat, ce n'est pas d'imposer à tous les riverains les cochonneries qu'on a devant la colonnade». L'opération en effet a l'inconvénient de ne pas être très discrète et ses installations techniques qui s'étalent à l'extérieur sur l'esplanade, au pied de la célèbre colonnade, ont le don d'agacer. L'opération aura en outre provoqué la fermeture de la cour Carrée hier, ainsi que pendant deux demi-journées.
«L'esplanade est occupée depuis le 13 mars et tout ne sera définitivement démonté que le 18 mars. Ce site prestigieux est totalement défiguré par les tentes et les bungalows, s'insurge Jean-François Legaret. Depuis des années, la colonnade est considérée comme l'accès de service du Louvre alors qu'il s'agit de son entrée historique. Il y a une volonté de faire passer les gens par la Pyramide et par la galerie commerciale.»
Martine Billard, député (Verts) de la circonscription, n'appréciait guère plus les termes du partenariat : «Le principe du mécénat est d'être une aide désintéressée, sans contrepartie. Sinon, cela relève de la commercialisation.» Une belle définition battue en brèche par Aline Sylla : «Soyons raisonnables, on peut difficilement attendre d'entreprises qu'elles nous aident sans contrepartie aucune.» Or ce phénomène aurait plutôt tendance à se généraliser dans la mesure où, de plus en plus, les musées font appel à des financements privés. Sans cela, disent-ils, ils devraient faire une croix sur certaines opérations.
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