Architecture. Quatre projets pour de nouvelles Halles
Les équipes retenues pour le réaménagement des Halles
ont présenté leur projet mercredi. La lauréate sera
désignée en juin. Début des travaux en 2005.
Un nouveau visage des Halles ? Pas encore, car pour l'instant ils sont quatre.
Moins d'un an après les premières études, les quatre équipes
d'architectes retenues pour le réaménagement du quartier des
Halles (AJN-Jean Nouvel, MVRDV-Winy Maas, OMA-Rem Koolhaas et SEURA-David
Mongin) ont présenté cette semaine leur projet au maire de
Paris. L'objectif du programme était triple : mettre en valeur le
jardin et requalifier l'espace public ; améliorer l'accessibilité au
pôle d'échange de transports, aux équipements et aux
commerces ; enfin, réduire la circulation automobile et améliorer
les livraisons. Souhaitant déminer le terrain et ne " pas renouveler
le traumatisme " des années quatre-vingt, quand Jacques Chirac
avait imposé son projet, Bertrand Delanoë a précisé que " le
projet retenu ne serait pas construit en l'état ". Des modifications
pourront lui être apportées après concertation.
Les tours de Koolhaas
Les deux équipes étrangères (OMA et MVRDV), toutes deux
néerlandaises, ont fait le choix de l'originalité. Le projet
de Winy Maas, ex-collaborateur de Rem Koolhaas, se présente sous la
forme d'une " noria de micro-projets " disséminés
sur l'ensemble du site et sans grande cohérence apparente. La maquette
rend d'ailleurs assez bien cette mosaïque confuse revendiquée,
faite " d'événements architecturaux de taille modestes
et très colorés ".
L'idée forte réside dans l'ouverture du jardin sur les quartiers
environnants et dans le dévoilement des espaces souterrains rénovés
au moyen de fenêtres découpées dans la dalle qui les
recouvre. Sur le dessus, un "jardin vert et verre " éclairé par
la lumière du forum, érigé par Winy Maas au rang de " vitrail
horizontal de la cité tridimensionnelle souterraine ". Dessous,
un énorme complexe qualifié de " véritable cathédrale " ou
s'entrecroisent une série de ponts censée clarifier les flux.
On se permettra d'en douter.
Laissons la copie pour l'original : Rem Koolhaas, architecte gourou du chaos
moderne et provocant à souhait. Le théoricien du " Fuck
the context " (se foutre du contexte - NDLR), qui réfute pourtant
avoir appliqué l'adage à son projet, ne craint pas la polémique
en proposant au cour de la capitale, après le débat houleux
sur les tours à Paris, une forêt de tourettes colorées
de statures différentes, qualifiées pudiquement " d'émergences ".
L'ensemble ayant l'aspect d'une dissémination savante de derricks
pétroliers translucides de taille XXL, entourés de jardin circulaire.
Son objectif ? Comme pour Maas, il s'agit de révéler la présence
de programmes souterrains qui " reçoivent ainsi une adresse visuelle " en
surface. En optant pour un vide parsemé d'édifices, Koolhaas
prend le risque de créer des parcours illisibles pour les promeneurs.
Notons quand même son choix de multiplier sur le site les entrées
du forum et de la gare RER-métro plutôt que de les regrouper
sous un même bâtiment, attitude en parfaite contradiction avec
celle de Jean Nouvel.
Une piscine sur le toit
Ce dernier, en lieu et place des parapluies de la rue Pierre-Lescot, pose
un parallélépipède gigantesque, baptisé " Carreau
des Halles ", aligné sur les immeubles lui faisant face. L'objet,
qui couvre le forum existant, abrite les différents niveaux du centre
commercial et de la gare RER-métro, visibles depuis la surface. L'édifice,
côté jardin, offre une généreuse façade
ouverte et tient le rôle d'une place couverte, jouant d'effets de lumières,
d'images et de transparence. Sur son toit, une immense terrasse végétalisée
avec piscine permet une vue panoramique sur Paris. " Les gens doivent
savoir où ils sont ", c'est sa définition de la modernité.
Au sol, un immense parc s'étire jusqu'à la Halle au blé,
bordé de part et d'autre
par d'épaisses rangées d'arbres, " dans la tradition des
jardins parisiens ". Sa proposition, somme de projets, s'agrémente
d'une série de halles (pour les enfants, pour un marché, des
cinémas, etc.), d'un petit immeuble pour le conservatoire, et se conclut
par un balcon suspendu à mi-hauteur donnant sur Saint-Eustache et
situé rue Berger. Il est avec Koolhaas le seul à proposer 7
hectares de jardin quand quatre étaient demandés.
Comme un hypermarché
David Mangin adopte la même démarche topographique Nouvel. Son
projet, baptisé " un toit pour les Halles ", reprend le
principe de couverture du forum existant mais garde une hauteur modeste (9
mètres), " plus bas que les pavillons Willerval existants ".
Un toit de cuivre ajouré éclaire le Forum transformé en
vaste centre commercial équipé de nombreuses circulations.
La hauteur du bâti n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle des hypermarchés
de nos banlieues. L'édifice pourra, selon certains angles de vue,
se confondre avec la canopée des arbres et aura de toute façon
du mal à s'imposer visuellement autrement que par sa linéarité. " On
peut faire un projet spectaculaire sans faire de monument ", affirme-t-il,
assumant la modestie de son propos architectural. Comme Nouvel encore, il
rétablit lui aussi la continuité urbaine pour les piétons,
mais offre un jardin asymétrique que traverse une " rambla " large
de 22 mètres. Cette avenue pédestre joignant la Bourse du commerce
et le forum continue jusqu'au boulevard Sébastopol. Se contentant
de traiter de façon scolaire le programme, le projet SEURA a l'avantage
de la simplicité, mais aussi, très certainement, celle du moindre
coût. Un paramètre parmi d'autres qui pourrait toutefois faire
la différence lors de la décision finale prévue pour
le mois de juin.
Cyrille Poy
Les projets sont exposés pendant un mois au Forum
des Halles (jusqu'au 8 juin), dans l'ancienne maison des associations
(niveau - 3) ; le public étant appelé à les commenter.