L’Humanité (16/12/04)
Les Halles, sans audace C’est un Bertrand Delanoë quelque peu tendu et
sur la défensive qui a désigné, hier midi, David
Mangin (agence Seura) lauréat du réaménagement
du quartier des Halles de Paris. Revenant sur l’histoire de
ce quartier marqué par le traumatisme provoqué par
la destruction des Pavillons Baltard et la construction de l’actuel
Forum, le maire de Paris a justifié le choix d’une « méthode
différente » dans la conduite du projet, reposant,
selon lui, sur « une vaste concertation ». La « méthode différente » a
pour l’essentiel reposé sur le choix d’une étude
de marché de définition, qui permet une plus grande
souplesse qu’un simple concours d’architecture. Dans
le premier cas, il s’agit de définir une stratégie
de développement balisée par des principes et un programme
mais en aucun cas de proposer un ou des bâtiments dont la forme
et les plans seraient actés une fois pour toutes. Dans le
second, c’est au contraire à la forme de l’édifice
que l’on s’attache, puisqu’une fois le concours
remporté, l’architecte doit construire le projet tel
ou pratiquement tel qu’il figure sur les plans et maquettes. PAS D’EFFET DE MODE David Mangin, professeur à l’École d’architecture
de Versailles, sera donc le « coordonnateur » de
l’ensemble de l’opération mais ne construira pas
tous les édifices. Un concours à part pour le réaménagement
du Forum, et notamment pour le toit, qui doit être « une
oeuvre d’art » selon le maire de Paris, sera lancé et
les premiers travaux pourraient débuter d’ici 2007. Le choix de l’équipe de David Mangin est un
choix de « raison et d’audace construit sur la réalité »,
a justifié le maire de Paris, qui précise, songeant
sans doute au projet de Rem Koolhaas, qu’il n’a pas voulu « céder à un
effet de mode ». En effet ! La conception de l’aménagement
urbain qu’il défend avec son adjoint à l’urbanisme,
Jean-Pierre Caffet, plonge davantage ses racines dans un urbanisme
au conservatisme désopilant, savamment alimenté par
les attitudes réductrices des associations de riverains et
les positions défendues par la majorité des Verts,
que dans une modernité urbaine assumée. Les références à « l’harmonie
des matériaux » dans le quartier, à la « perspective
et à l’espace » retrouvés afin de
remettre dans leur écrin « les traces de notre
patrimoine » que sont Saint-Eustache et la Bourse du commerce
vont toutes dans ce sens. Par ailleurs, il est curieux que les deux
rapports d’expertise successifs (2 novembre puis 15 décembre),
censés éclairer le jury de la commission d’appel
d’offres, diffèrents dans leurs conclusions sur les
quatre projets. UN CHOIX POLITIQUE Le premier, rédigé par la SEM Centre, en charge
normalement de la conduite du projet, précise que le projet
de Rem Koolhaas est « cohérent » dans
son phasage et que « l’activité commerciale
risque d’être perturbée ponctuellement pendant
la durée du chantier ». En revanche, dans le deuxième
rapport, rédigé par les services de la direction de
l’urbanisme de la Ville de Paris, il est écrit que « ce
projet implique une fermeture (...) de la plus grande partie du centre
commercial ». Quant au projet de David Mangin, il bénéficie
en revanche d’une clémence nouvelle puisque si le premier
rapport précise que « des réserves sont émises
quant à la continuité d’exploitation du pôle
d’échange » durant le chantier, il n’en
est plus question dans le deuxième, qui élude la question.
Les arguments techniques comptent-ils si peu qu’on puisse les
bricoler en quelques jours ? On l’aura compris, le choix de Bertrand Delanoë est
avant tout politique. Contraint par les Verts, les riverains et le
gestionnaire du centre commercial à choisir le projet Mangin,
le maire de Paris a tenté hier de se justifier. « Cette
vision urbanistique est le premier choix qu’il faut faire.
Le coeur de Paris est réinséré dans son corps »,
a-t-il expliqué sans convaincre. Cyrille Poy
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