Le Parisien (01/12/03)
La centrale des Halles bientôt remise aux normes
CE SOIR, le conseil d'arrondissement du I e r arrondissement va délibérer
sur le plan de rénovation de la centrale thermique des Halles. Une usine en
plein coeur de Paris dont la mise aux normes est demandée depuis près de dix
ans et dont les travaux pourraient finalement être lancés en janvier. C'est une
annonce inespérée pour les habitants et les voisins de cette centrale
thermique. Il aura en effet fallu la condamnation du groupement d'intérêt
économique (GIE), gérant ce site, par le tribunal correctionnel de Paris, début
novembre, pour débloquer la situation. Les juges ont imposé le respect des
demandes du préfet de police de Paris, exigeant la réduction de l'émission des
fumées. Ils ont aussi prévu de revenir sur le dossier le 30 janvier prochain «
afin de fixer la peine en tenant compte de l'avancée du dossier ». Quinze jours
après les menaces de la justice, les négociations entre la Ville et
l'utilisateur de ces installations, Climespace, ont donc été bouclées. Près de
1 000 mètres carrés de béton, de turbines, de tuyaux, de câbles et de
souffleries. La centrale thermique des Halles (GTH) est le coeur du système de
refroidissement, de climatisation, d'électricité de l'ensemble du Forum des
Halles et du Louvre (I e r ) mais aussi de la ventilation du réseau RATP ainsi
que du système de sécurité du centre commercial et du plus grand musée de France.
Ce n'est pas rien ! Et pourtant, derrière ces murs, aucun gros chantier de
rénovation n'a été lancé depuis trente-cinq ans. « Et pour cause, ces turbines
du groupe électrogène sont comme neuves. Elles n'ont fonctionné que cinq mille
heures », explique Frédéric Martin, directeur général adjoint de Climespace.
Ces énormes machines sont mises en service uniquement pour les essais imposés
pour la sécurité du Louvre et des Halles. Mais à chaque mise en route, ses
relents de fumées ont aujourd'hui un indice de pollution de 6 à 9, alors que la
préfecture n'autorise qu'un indice de noircissement de 4. Les pétitions des
riverains, ces derniers mois, n'ont pas été suffisantes pour obliger la Ville à
se bouger. Il est vrai, le dossier est épais et plutôt flou. L'usine a été
construite en 1975 et est entrée en fonction en 1978. Climespace, société
spécialisée dans le froid, a repris les rênes de l'usine en 1991 pour un
contrat qui court jusqu'en 2008. En février 2002, la Ville a repris pour le
franc symbolique le bâtiment et tous les équipements. Un méli-mélo
juridico-financier qu'il fallait démêler avant de savoir qui devait payer les
rénovations et les remises aux normes.
Un chantier de trente mois Après négociation entre la Ville et Climespace, un
accord a été signé. L'ensemble des travaux est évalué à près de 22 millions
d'euros. Les élus de Paris voteront ces prochains jours la participation de la
Ville à hauteur d'1,4 million d'euros pour le changement des groupes
électrogènes et 4 millions pour l'insonorisation de la centrale. Une
participation municipale que le maire du I e r , Jean-François Legaret, estime
encore trop importante. Mais les choses avancent. En janvier, la commande de
nouvelles machines - aux normes - sera passée. Puis, il s'agira de lancer les
gros oeuvres : doublement des murs d'isolation de cette usine avec les
immeubles voisins, installation de chacune des machines sur des systèmes
d'isolation aux normes. Un vaste chantier de près de trente mois devrait ainsi
pouvoir commencer dans le courant de l'année prochaine. Contrairement à ces
trente-cinq dernières années, un vaste programme d'information auprès des
riverains sera aussi assuré.
Une usine sur dix niveaux
En terrasse. Les tours de refroidissement jouxtent les
cheminées d'évacuation des fumées. 3 e étage. Ici se trouvent les 4 groupes de
froid. Chaque machine pèse 10 tonnes, d'une puissance de 20 MGW. Elles
permettent de distribuer de l'eau glacée qui sert ensuite à la climatisation
des Halles et du Louvre. Elles fonctionnent à l'électricité. Mais on leur
reproche de renfermer du fréon, gaz interdit en 2008. 2 e niveau. Sept groupes
électrogènes d'une puissance de 7600 KW, soit la capacité électrique utile pour
plus de 800 logements, y sont installés. Ils sont utilisés pour l'alimentation
de sécurité du Forum des Halles, de sa voirie et du Louvre. Ces machines ne
sont plus aux normes. On leur reproche notamment leurs fumées noires. 1 e r
niveau. Les installations électriques EDF pour tout le Forum. Elles datent de
35 ans. Rez-de-chaussée. Les sorties d'aération de la ventilation du RER et du
métro. 1 e r sous-sol. Le poste de contrôle EDF. 2 e sous-sol. Les machines qui
servent à la ventilation RATP. 3 e sous-sol. Le poste électrique des voiries. 4
e sous sol. Les cuves de stockage d'eau chaude. 5 e sous-sol. Les cuves de
fioul (80 000 litres) pour les groupes électrogènes.
LE TEMOIN DU JOUR
« Les groupes électrogènes sont juste derrière nos
appartements »
«CE N'EST PAS très rassurant de savoir que nous sommes les
voisins d'une véritable usine. Que derrière le mur, il y a sept énormes
turbines », explique Barbara Blot. Elle habite dans l'îlot d'immeubles -
112-118, rue Rambuteau - construit contre l'avis des experts dans les années
1980, accolé à la centrale thermique des Halles (I e r ). « Quand nous avons
emménagé, nous ne savions pas qu'il y avait cette centrale ici. Aucun panneau
ne l'indique dans le quartier », souligne la présidente de l'amicale des
locataires : 210 logements, dont 60 familles qui supportent de grosses
nuisances. « Quand la centrale fonctionne, nous subissons des vibrations
insupportables. Un des locataires ne peut même pas dormir dans sa chambre tant
cela bouge. J'ai visité l'appartement d'une amie, ses rideaux et ses murs sont
noirs de crasse à cause des fumées », explique-t-elle. L'association Accomplir,
très présente dans le quartier, a organisé récemment une visite du groupe
thermique des Halles, le nom officiel de cette usine. « Nous avons tous été
frappés par l'immensité des installations. Tout cela si près de nous. » Alors
la mobilisation est aujourd'hui à son comble. Les associations locales ont
porté plainte. Elles sont à l'origine des condamnations de la centrale. Depuis
plus d'un an, des centaines de signatures d'une pétition ont été également
rassemblées. « Mais c'est silence radio du côté de la mairie. Ni Bertrand
Delanoë, ni le maire adjoint chargé de l'environnement, Yves Contassot, n'ont
daigné nous répondre. »
Eric Le Mitouard