AFP (12/12/04)
"Des questions cruciales à approfondir",
selon l'architecte Henri Gaudin L'architecte Henri Gaudin, à qui l'on doit
notamment le Stade Charléty et le nouveau visage du musée
Guimet, estime que les architectes ont mis le doigt sur "des questions
cruciales qui méritent approfondissement", pour le projet
des Halles. Interrogé par l'AFP, M. Gaudin, qui est aussi théoricien
(il vient de publier "Considérations sur l'Espace",
aux Editions du Rocher) et a beaucoup réfléchi à l'organisation
de la ville, met en avant les points positifs des différents
projets entre lesquels le maire de Paris, Bertrand Delanoë, doit
trancher mercredi. "Ce qui est d'abord en jeu, c'est le devenir
de ce grand espace commun qu'est le jardin: il est plus qu'urgent d'en
préserver le caractère public. Il serait contestable
de le voir livré à des activités essentiellement
marchandes", souligne-t-il. Autre problème de taille, généralement
négligé, celui de Saint-Eustache, la deuxième
plus grande église de Paris, "C'était, dit-il, une
faute grave que de dégager totalement l'église, la surexposer à la
pleine lumière, d'en épuiser le volume par une vision
immédiate et totale. Jean Nouvel s'attaque généreusement à ce
problème fondamental. Son projet vient côtoyer le parvis
et donner un plus juste espace à la magnifique abside ainsi
cadrée". "Incriminer la densité présumée
trop forte de son projet, ajoute-t-il, me fait penser au mot de Victor
Hugo: "quelque jour, on démolira Notre-Dame pour agrandir
le parvis". "Par ailleurs, note l'architecte, on mettra au
crédit de Rem Koolhaas de se préoccuper d'un sous-sol
dont les activités sont en ébullition et dont certains
organes de circulation sont inadéquats". "On a qualifié de
+derricks+, ces émergences censées relier au ciel le
royaume des ombres. On applaudirait si le sucre candy et les brillances
cristallines ne devenaient d'obscurs amoncellements de planchers et
si la constellation de petites tours était capable de nous livrer
des espaces intelligibles. Et si, au nom de l'épandage d'activités
marchandes, des intérêts privés ne faisaient main
basse sur le précieux espace commun du jardin", note-t-il. "Reste,
souligne M. Gaudin, le problème de la +facticité+, du
trompe l'oeil. C'est une habitude qui perdure malgré la fin
de l'Ecole des Beaux-Arts, qui cultivait le mensonge de la représentation.
Que dire de ces toitures de cuivre oxydé dont le seul effet
est de donner l'illusion que l'espace planté se prolonge par
une sorte de jardin suspendu? C'est le même déguisement
que celui qui consiste à couvrir d'une mantille une architecture
indigente". Selon l'architecte, on ne résoud pas le problème
de la ville en jetant sur des îlots -ici sur le carreau des halles-
un filet de camouflage. "La couleur verte suffirait-elle à nous
faire prendre de la peinture pour des arbres?" Pour lui, "le
grand mérite des concurrents -alors qu'un réel programme,
seul capable de modeler une architecture, fait défaut-, est
d'avoir soulevé un certain nombre de problèmes fondamentaux:
l'espace public, la clarification d'une distribution et d'échanges
sous-terrains complexes, la surexposition de Saint-Eustache. Il serait
plus qu'important de retenir les questions soulevées et de rouvrir
des consultations". |