Paris Match (25/11/04)

 

Le trou des halles creuse un fossé entre anciens et modernes

 

Delanoë devra trancher entre le Français Mangin et le Néerlandais Koolhaas


 « Paris est déjà couturée de cicatrices laissées par le fait du prince… N’en n’ouvrez pas de nouvelles, monsieur le Maire ! » Telle était, mercredi 24 novembre, l’exhortation en forme de supplique à Delanoë, d’un collectif de trente-trois associations en pétard contre la Mairie de Paris. Motif de la conférence convoquée au Père Tranquille, bistrot culte mué en Q.G. : la rénovation des Halles. « Non à l’opacité ! », clame le collectif. La rénovation du « trou » comblé en 1979 par l’un des pôles les plus fréquentés d’Europe (800.000 visiteurs en transit par jour), ils sont pour. A 90%. Mais ils contestent la préférence supposée de la SEM, la société d’économie mixte chargée de conduire l’opération, pour le projet de l’architecte-star néerlandais Rem Koolhaas, concepteur d’Euralille et brillant théoricien de la ville-shopping.

 

Des quatre propositions soumises au public, deux restent lice : la sienne et celle d’un Français inconnu du grand public, l’urbaniste David Mangin. Celle de l’autre star, Jean Nouvel, étant, en principe, écartée. Les deux projets sont aux antipodes : des buissons de tours de verre et d’acier (37 mètres de haut au maximum) contre un méga-toit plat à hauteur d’arbres. L’un fore la surface actuelle du Forum d’une quantité variable de derricks aux couleurs de flacons de parfum – audacieux. Le Néerlandais assure ainsi établir une connexion « dessus-dessous ». L’autre crée une vaste promenade, sorte de coulée verte entre la Bourse de commerce et le Forum proprement dit. Urbain… Plan-plan, disent les détracteurs. En surélévation du centre commercial, un « Carreau » éclairé de trouées de lumière, aux dimensions de la place des Vosges. Imposant, pour le moins. Ainsi semble se rejouer à trente ans d’écart une nouvelle bataille des anciens et des modernes.

 

Le collectif Rénovation des Halles, regroupant dans un rare œcuménisme riverains et commerçants, usagers des transports et habitants de divers arrondissements parisiens, s’insurge. Pourquoi la SEM s’obstine-t-elle, selon lui, à privilégier la proposition de Koolhaas alors que trente-et-une des trente-huit associations consultées ont donné leur préférence pour le projet Mangin ? Celui-ci répond, disent-ils, au double vœu exprimé, en avril dernier, par les Parisiens invités à juger sur pièces : préservation de l’espace vert et limitation de la densité commerciale à l’existant.

Face aux associations – et au bailleur des espaces commerciaux, Espace Expansion, formellement opposé au projet Koolhaas, la SEM va-t-elle persister à privilégier le geste architectural ? « Dans ce cas, des recours sont possibles », menacent les associations…
Le choix final, en tout état de cause, relève du prince, Bertrand Delanoë, qui, cette semaine, est au Burkina. En même temps que Jacques Chirac, son illustre prédécesseur à la Ville, autoproclamé, à l’époque, « architecte en chef des Halles ».

 

Sylvie Santini